Comprendre et intégrer l'IA : enjeux et opportunités pour les entreprises
Comprendre et intégrer l'IA : enjeux et opportunités pour les entreprises
Publiée le 23.03.2021

Regards croisés sur la formation à l’ère de l’IA

Serge Gueguen – Orsys

Christopher Sullivan – ICDL France et FFP

Publiée le 23.03.2021
réunion de travail

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Les besoins en compétences sont un des enjeux majeurs de l’implémentation de l’IA dans les entreprises. Mais quels types de formation sont nécessaires ? Et quels sont les freins et opportunités pour les différents acteurs ?

Regards croisés sur le sujet avec Serge Gueguen, Responsable de l’évolution de l’offre numérique chez Orsys, une des plus grandes entreprises de formation en France, et Christopher Sullivan, Directeur général de ICDL France, organisme certificateur de compétences numériques, et Co-Président de la Commission Numérique au sein de la FFP (Fédération de la Formation Professionnelle).

Quelle est votre vision des besoins des entreprises en matière d’IA ?

 Christopher Sullivan : Aux côtés de Bruno Perinel, avec qui je partage la Présidence de la Commission Numérique de la FFP, nous avons identifié un besoin de compétences sur la compréhension de ce qu’est l’intelligence artificielle. Il ne s’agit pas de former des techniciens, mais vraiment de sensibiliser, de vulgariser d’une certaine manière la définition l’IA et ce que cette technologie peut apporter à l’entreprise. L’intelligence artificielle est tellement transversale, elle peut toucher tellement d’industries, tellement d’activités différentes, qu’on sait bien qu’à un moment donné, quasiment toutes les entreprises seront concernées. Les organisations commencent vraiment à se rendre compte qu’il y a un enjeu, qu’il y a un potentiel, qu’il y a quelque chose à gagner avec l’intelligence artificielle.

La difficulté c’est que dans les zones éloignées des grandes villes, vous avez certainement des entreprises qui auraient besoin d’être accompagnées là-dessus, mais qui vont difficilement trouver des entreprises proposant des formations sur l’IA sur leur territoire. Nous essayons à la Fédération de la Formation Professionnelle (FFP) de montrer aux entreprises de formations de toutes tailles qu’il y a un potentiel. Comment peuvent-ils commencer à envisager la construction de leurs contenus de formation ? Des solutions existent et on les accompagne dans ce changement.

Serge Gueguen : Effectivement l’objectif est que les entreprises se posent la question suivante : « J’ai un projet que je ne pense en l’état pas réalisable, existe-il des outils d’intelligence artificielle qui pourraient m’aider ? »

Chez Orsys, l’intégralité de nos formateurs sont des gens du terrain, ils sont consultants ou chefs de projets par exemple. Ces formateurs interviennent régulièrement en entreprise et sont une de nos sources pour la conception de nos formations, car ils nous remontent les besoins qu’ils observent en entreprise.

Comment amener les entreprises vers l’IA ?

Christopher Sullivan : Je pense que le moyen de comprendre l’intelligence artificielle pour toutes ces entreprises, c’est de leur montrer en quoi l’IA peut jouer un rôle important. Expérience utilisateur, traitement du big data, gestion du courrier et des documents, compta… Au lieu de parler de la technologie, il faut leur parler de leur quotidien. « Ce que vous faites aujourd’hui, vous pouvez l’optimiser avec l’intelligence artificielle. »

Serge Gueguen : Et le premier besoin, c’est vraiment l’acculturation. On est dans une phase transitoire, l’IA n’est pas encore très répandue dans les entreprises, hormis dans les grands groupes. Ça deviendra naturel dans quelques années, mais aujourd’hui il faut vraiment accompagner les entreprises.

Quelles sont actuellement les possibilités de formation à l’IA, et quels sont les enjeux de cet accès à la formation ?

Serge Gueguen : Nous proposons des formations de type séminaire qui s’adressent plutôt à des dirigeants d’entreprises, à des managers à qui on va présenter l’IA et ses enjeux dans sa généralité parce qu’ils sont décisionnaires sur les projets. Et puis il y a les formations qui sont purement techniques, sous forme notamment de cycles certifiants, et qui s’adressent à ceux qui vont réellement construire le projet d’IA.

Mais la priorité, comme l’a évoqué Christopher, c’est d’expliquer ce qu’est réellement l’intelligence artificielle. Parce qu’il y a tout un tas de mythes et de légendes urbaines qui tournent autour du sujet. Créer un projet d’intelligence artificielle, ce n’est pas une finalité. C’est un outil que l’on va intégrer à l’intérieur d’un projet existant. Comme les domaines de l’intelligence artificielle sont vraiment multiples et variés, ça peut être du traitement de données, d’images, de reconnaissance du langage… C’est pour ça qu’il faut vraiment montrer aux dirigeants d’entreprises et aux décisionnaires les possibilités de ces outils afin qu’ils les intègrent dans leurs projets.

Christopher Sullivan : Les écoles d’ingénieurs notamment proposent des formations initiales intégrant l’IA, ainsi que des apprentissages techniques en formation continue. Les diplômés sont chaque année plus nombreux à intégrer les grands groupes, qui ont les moyens de travailler sur les sujets d’IA. Et au milieu, il y a toutes les PME qui ne sont absolument pas accompagnées sur l’intelligence artificielle. Parce que pour l’instant, seules les grandes entreprises de formation comme Orsys ont à leur catalogue des formations sur l’IA.

Donc à mon sens, c’est dans cette fenêtre de tir-là qu’il y a un vrai travail à faire. Aujourd’hui, la formation des PME se fait beaucoup par les prestataires en IA, les fournisseurs de solutions, mais ils sont souvent basés dans les grandes villes. Il faut construire une offre d’accompagnements et de formations cohérente sur tout le territoire.

L’objectif est donc de sensibiliser les entreprises de formations afin qu’ils s’emparent du sujet et aillent à la rencontre des PME, TPE ?

Serge Gueguen : Tout à fait, parce qu’on a un problème d’acquisition de compétences. Comme le disait Christopher, il y a une offre en formations initiales et continues. Le problème, ce sont les entreprises qui ont besoin de cette logique d’IA maintenant et qui n’ont pas les moyens d’embaucher. Il va falloir former le personnel existant à ces technologies qui sont relativement complexes à appréhender.

Les méthodes de gestion de projet qu’on utilisait jusqu’à présent nécessitent aussi des adaptations à l’IA, tout comme le plan légal, éthique etc.
Les entreprises de formation ne sont pas à la traîne sur les sujets d’IA. Il y a toujours un temps de latence entre l’arrivée d’une technologie et la capacité pour les entreprises de formations à former, c’est normal. C’est une réalité du terrain.

Christopher Sullivan : Les entreprises de formation doivent acquérir la compétence en IA. Mais un point essentiel aussi, c’est l’expérience terrain. Et l’expérience, on l’acquiert avec le temps dans les cas pratiques de l’IA. Des éditeurs de contenus commencent à proposer des ressources pédagogiques, en e-learning, pour pouvoir progressivement acquérir la compétence. On est vraiment aux prémices, mais la Commission Numérique de la FFP travaille dessus.

L’intelligence artificielle va-t-elle changer la façon de former ?

Christopher Sullivan : On peut imaginer un formateur virtuel qui répond aux questions du stagiaire. Cela peut totalement s’appliquer dans le futur pour l’enseignement. Il y a beaucoup d’endroits dans le monde où l’intelligence artificielle pourrait jouer un rôle incroyable pour permettre à des populations d’accéder à l’enseignement. Là, il y a un vrai enjeu. Il y a un potentiel par rapport à des zones géographiques en manque de formateurs, ou bien sur des sujets très spécifiques avec peu d’experts. Pour toutes ces problématiques-là, l’apport de l’intelligence artificielle me paraît évidente.

Serge Gueguen : C’est effectivement une solution alternative, mais qui ne remplacera pas les formations en présentiel qui sont toujours autant appréciées, car le rapport avec un formateur humain reste plus enrichissant.