De la data au pouvoir des données !
En accompagnant le développement des technologies, les données participent à la construction d’un nouveau territoire numérique, fabriquant un « miroir numérique » parfois déformant. Véritable clé de passage entre le monde physique et virtuel, les données créent de la valeur, transformant notre économie jusqu’à en bousculer le jeu concurrentiel. Une prise de conscience qui appelle à sécuriser et réguler ce nouvel espace.
À l’origine était la data, en témoignent les premières collectes de données retrouvées sur les tablettes mésopotamiennes. Le besoin de se compter, d’observer son environnement ne date donc pas d’aujourd’hui ! Symbole de l’information, la donnée est source de pouvoir. Très logiquement, son développement a accompagné les évolutions technologiques, jusqu’à constituer la clé de passage entre le monde physique et le monde virtuel, et façonner le territoire numérique.
Les données : un miroir numérique qui peut être déformant !
En fait notre existence dans le monde numérique résulte de la représentation que les données renvoient et disent de nous, tel un miroir. Ces données sont le fruit de nos usages et de nos utilisations, etc… Ceux qui sont familiers des méthodes d’analyse de données en connaissent les risques mais aussi les limites, qu’ils s’agissent de la nécessité de s’assurer de la bonne qualité des données, de déjouer les possibles biais, ou encore d’intégrer le pan forcément réducteur d’une interprétation qui ne renvoie in fine, qu’une vision synthétique de la réalité. « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées » disaient Churchill, nous rappelant le côté « miroir déformant » des analyses tirées des données. C’est pourquoi, la sensibilisation à une véritable « Culture Data », permettant de préserver un regard critique est indispensable, si l’on veut que les utilisateurs de data intègrent bien ces risques et limites.
Les données : une création de valeur collective pour une monétisation à l’échelle individuelle.
Les avancées technologiques et particulièrement le développement de l’Intelligence Artificielle ont favorisé le traitement de données à la fois massives et variées (le fameux Big Data), avec une rapidité qui relève désormais de la micro seconde si l’on se réfère aux pratiques du Trading Haute Fréquence. À ces trois facteurs s’est ajouté la notion de valeur créée par la donnée. L’apparition de services gratuits visant à attirer le plus grand nombre de consommateurs, a démontré que la collecte de données, une fois traitées collectivement se transforme en information individuelle monnayable. À l’image de la télévision gratuite en échange d’écrans publicitaires, les services gratuits de l’espace numérique individualisent la relation en « raffinant nos données ». Le gain d’efficacité d’une publicité ciblée au regard d’une publicité de masse explique cette valorisation, monétisée ensuite par la surprime que l’annonceur est prêt à payer. C’est ainsi qu’en 2018, l’étude Bearing sur le transfert de valeur, constatait que Google et Facebook captaient 67% des recettes publicitaires sur Internet, doublant quasiment leurs parts d’audience de 36%. Belle illustration du pouvoir de la donnée !
Premier secteur touché, les média ne sont pas les seuls concernés par ce transfert de valeur. Le domaine bancaire pourrait bien être le prochain à en croire le récent avis de l’Autorité de la Concurrence qui s’inquiète de l’arrivée des grandes plateformes BigTech sur le secteur des paiements : grâce à leur accès aux données, « les grandes plateformes ont la capacité de retirer des bénéfices significatifs, sans être pour autant soumises aux contraintes règlementaires qui pèsent sur les acteurs bancaires » nous dit l’Autorité, qui souligne également « les risques liés au renforcement du pouvoir de marché des grandes plateformes numériques ou au verrouillage des consommateurs dans un écosystème ainsi que le risque de marginalisation, à terme, des acteurs bancaires traditionnels ».
L’enjeu du règlement européen sur la gouvernance des données sera de faciliter la création de valeur tout en garantissant la souveraineté européenne.
À l’instar d’un virus, invisible au microscope mais capable de perturber les échanges mondiaux, la data bouscule les repères et acteurs traditionnels du monde économique, pour le recomposer à sa façon dans le territoire numérique. Une prise de conscience collective du pouvoir de la data est donc nécessaire et le travail effectué par la Gendarmerie et son réseau SECOPE (Sécurité Economique et Protection des Entreprises) pour accompagner les entreprises dans la sécurisation de leur patrimoine informationnel y contribue. L’étape suivante, ô combien cruciale, est l’établissement de nouvelles règles. C’est l’objet du règlement sur la gouvernance des données (le Data Governance Act) de la Commission Européenne, qui ambitionne de créer une économie européenne de la donnée assise sur le partage, la réutilisation et la sécurisation des données. Le DGA a la lourde tâche de créer les conditions d’un nouvel équilibre dans l’espace numérique, permettant d’asseoir la souveraineté européenne dans ce domaine. Un challenge de taille !
Publication par Raphaëlle Bertholon : Secrétaire Nationale CFE-CGC à l’Économie / Industrie / Numérique et Logement.
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